Une innovation franco-américaine réécrit l’ADN pour vaincre le cancer

Une jeune patiente américaine de 36 ans, atteinte d’un cancer colorectal de stade 4, était confrontée à une situation critique : tous les traitements conventionnels avaient échoué.

Aujourd’hui, pourtant, elle est en rémission complète depuis près de deux ans grâce à sa participation à un essai clinique inédit mené au prestigieux Masonic Cancer Center de l’Université du Minnesota à Minneapolis.

Ce succès spectaculaire, sans aucune cellule cancéreuse détectable, représente un véritable espoir et une percée majeure dans la lutte contre les cancers jusqu’alors jugés incurables.

Derrière cette avancée remarquable se trouve une approche innovante née de travaux fondamentaux initiés il y a plus de dix ans par le chercheur français du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Geoffrey Guittard. Actuellement basé au Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM), l’un des laboratoires moteurs de Marseille Immunology Biocluster (MIB) sous la co-direction de Daniel Olive et Jacques Nunes, Geoffrey Guittard a mené ses premières recherches fondamentales lors de son stage postdoctoral au National Institutes of Health (NIH), aux États-Unis.

Lors de son séjour américain, il a identifié le rôle crucial d’une protéine nommée CISH. Cette protéine agit naturellement comme un frein, limitant l’efficacité des cellules immunitaires lorsqu’elles tentent d’éliminer des cellules cancéreuses. L’absence ou l’inhibition de CISH permet donc à ces cellules immunitaires, notamment les lymphocytes T, de devenir plus puissantes et efficaces contre les tumeurs.

Cette découverte conceptuelle ouvre alors une toute nouvelle perspective : en supprimant un frein naturel, il est possible d’accroître considérablement l’efficacité du système immunitaire contre les cancers.

C’est précisément cette hypothèse fondamentale qui a conduit à la mise en place du premier essai clinique mondial utilisant CRISPR-Cas9 pour cibler directement le gène CISH. Cette nouvelle technologie d’édition génétique agit comme des ciseaux moléculaires, permettant de couper et de modifier précisément l’ADN des cellules.

Cet essai a été possible grâce à la collaboration entre les équipes du Pr. Emil Lou et du Dr. Branden Moriarity à l’Université du Minnesota et l’entreprise Intima Biosciences. Concrètement, les lymphocytes T infiltrant la tumeur des patients ont été prélevés,  sélectionnés pour reconnaître spécifiquement la tumeur, modifiés génétiquement en supprimant le gène CISH grâce à la technologie de CRISPR-Cas9,  expandus et enfin réinjectés chez les patients.

Les résultats obtenus sont particulièrement encourageants. Sur les douze patients inclus dans cet essai clinique pionnier, six ont montré une amélioration significative de leur état de santé. Même si les cellules génétiquement modifiées ne persistent que quelques semaines dans l’organisme, leur effet bénéfique perdure plusieurs mois grâce à la mise en place d’une réponse immunitaire durable appelée réponse « mémoire ». C’est cette réponse mémoire qui explique la rémission spectaculaire de la jeune patiente américaine.

Fort de ces résultats, Geoffrey Guittard et ses collègues du CRCM poursuivent désormais activement ces recherches à Marseille. L’objectif est double : étendre cette approche à d’autres cellules immunitaires, notamment les cellules NK (Natural Killer), et simplifier la technologie génétique nécessaire à la modification des cellules.

Pour cela, l’équipe développe actuellement de nouvelles méthodes non-virales, ainsi que des inhibiteurs pharmacologiques pour bloquer directement la protéine CISH, permettant ainsi d’envisager une application clinique plus rapide et plus large.

MIB jouera un rôle crucial en offrant potentiellement aux équipes du CRCM l’accès à des plateformes de thérapie cellulaire de pointe comme Cellscale. Par ailleurs, l’Institut Paoli-Calmettes (IPC), centre de référence régional en cancérologie et un des membres fondateurs de MIB, manifeste un fort intérêt pour le développement clinique de nouvelles approches thérapeutiques. L’approche décrite ici pourrait s’avérer intéressante à développer dans le futur en collaboration directe avec l’équipe américaine.

Si ces résultats sont extrêmement prometteurs, plusieurs défis restent à relever avant une généralisation plus large de cette thérapie. Des essais cliniques de plus grande envergure, incluant potentiellement des patients atteints de cancer à des stades plus précoces, sont déjà envisagés par les auteurs de l’étude.

À terme, cette stratégie innovante pourrait offrir une nouvelle réponse thérapeutique universelle contre divers types de cancers. Grâce à l’intégration des expertises marseillaises et américaines et à la simplification technologique en cours, l’espoir d’offrir un traitement efficace et accessible à un plus grand nombre de patients devient aujourd’hui une possibilité de plus en plus réelle.

Ce succès initial démontre une fois encore l’importance des recherches fondamentales et de collaborations internationales ambitieuses pour transformer la lutte contre le cancer.

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